Des choses fragiles : Une étude en vert - Neil Gaiman.
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De bons présages.
L'étrange vie de Nobody Owens.
Emprunt médiathèque.
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De bons présages.
L'étrange vie de Nobody Owens.
Emprunt médiathèque.
Quatrième de couverture :
"Les histoires, tels les gens et les papillons, les œufs d’oiseaux et les cœurs humains, les rêves, sont aussi des choses fragiles ne se composant de nul matériau plus solide ou plus durable que vingt-six lettres et une poignée de signes de ponctuation. Ou bien de paroles faites de sons et d’idées – abstraites, invisibles, disparues sitôt prononcées –, et saurait-on imaginer plus fragile ? Certaines d’entre elles, pourtant, simples et minuscules, mettant en scène des personnages qui partent à l’aventure ou qui accomplissent des merveilles, des miracles et des monstres, ont survécu à tous ceux qui les ont racontées. Certaines ont même survécu aux pays dans lesquels elles ont été créées." Neil Gaiman.
"Les histoires, tels les gens et les papillons, les œufs d’oiseaux et les cœurs humains, les rêves, sont aussi des choses fragiles ne se composant de nul matériau plus solide ou plus durable que vingt-six lettres et une poignée de signes de ponctuation. Ou bien de paroles faites de sons et d’idées – abstraites, invisibles, disparues sitôt prononcées –, et saurait-on imaginer plus fragile ? Certaines d’entre elles, pourtant, simples et minuscules, mettant en scène des personnages qui partent à l’aventure ou qui accomplissent des merveilles, des miracles et des monstres, ont survécu à tous ceux qui les ont racontées. Certaines ont même survécu aux pays dans lesquels elles ont été créées." Neil Gaiman.
/ ! \ Attention : spoilers sur l'intégralité de la nouvelle Une Etude en Vert. / ! \
Mon avis :
Avant toute chose, et comme vous avez bien pû le remarquer en lisant le titre de l'article, je ne parlerais dans cet article exclusivement que d'une des nouvelles de ce recueil. Je m'excuse d'avance auprès de mes lecteurs et de l'auteur (même s'il ne viendra jamais, ô grand jamais, lire ce blog), c'est dans mes projets que de lire un jour le recueil en entier, je m'étais d'ailleurs donnée comme 'résolution' de lire plus de cet auteur.
Si j'ai choisi de parler que d'une nouvelle en particulier, c'est parce que c'est une sorte de pastiche de l'auteur sur Sherlock Holmes. Il a écrit une nouvelle mélangeant l'univers holmesien de Doyle et de Lovecraft, tout en essayant de rendre justice aux deux auteurs respectifs. Mélange assez étonnant car Doyle utilise la science, la déduction, le rationnel quand il écrit Sherlock Holmes, or Lovecraft est tout ce qui est irrationnel, et pourtant, je crois pouvoir dire que Neil Gaiman s'en est sorti avec brio. Il a réussi à m'étonner et à m'impressionner ! Après m'avoir fait rêver dans L'étrange vie de Nobody Owens et m'avoir fait rire avec Terry Pratchett dans De bons présages, j'ai été déconcertée par Une étude en vert pour au final être impressionnée. Ce n'est certes pas un chef d'oeuvre, mais c'est tellement singulier et original d'une certaine façon que je pourrais dire que j'ai bien aimé !
Une étude en vert est un clin d'oeil à Une étude en rouge, la toute première aventure qui voit apparaître Sherlock Holmes et le docteur Watson, comment ils se rencontrent, emménagent ensemble, se découvrent l'un l'autre, comment Holmes fait entrer Watson dans son univers d'enquêtes criminelles et de science de la déduction. La nouvelle commençe de la même façon : le narrateur est un vétéran de la guerre d'Afghanistan qui vient tout juste de rentrer en Angleterre à cause de ses blessures qui ne lui permettaient pas de rester sur le front. Le narrateur tombe en pleine dépression et cherche un logement, qu'il trouvera à Baker Street qu'il viendra à partager avec un homme fort intelligent, un détective consultant utilisant la déduction et dont les services sont requis par l'inspecteur Lestrade. Cet homme, rencontré grâce à une connaissance commune, devient très vite son ami qui conduit un beau jour notre cher narrateur sur une crime de scène où un noble aurait été assassiné. Sur le mur est inscrit en lettres de sang le mot Rache...
Jusqu'ici, ça ressemble très fortement au roman Une étude en rouge et l'on pense tout naturellement que Neil Gaiman reprend à sa manière le roman de Doyle. Même si aucun nom n'est donné au début pour le narrateur et son ami détective, le lecteur devine que ces personnages peuvent être le docteur Watson et Sherlock Holmes, tout naturellement. Un Holmes et Watson revisités, peut-être, à la façon de Gaiman, même s'il y a de quoi se poser des questions [ le narrateur a suivi le même parcours que Watson mais il a été tireur d'élite puis capturé et torturé en Afghanistan, Watson non. L'ami détective dit ronfler, Holmes non ] mais cela ressemble énormément à Une étude en rouge, au début, que les questions ne se posent plus. Jusqu'à ce qu'on avançe dans le récit et que la fin soit un vrai coup qui réveille tout le monde ! Du moins, ce fut le cas pour moi. Après, ça devient flou, déconcertant, surprenant, le moment où l'irrationnel apparaît [ les étranges accents des membres de la famille royale, et surtout la reine Victoria qui guérit d'une seule main l'épaule endommagée du narrateur qui nous a décrit la reine comme étant celle qui 'nous avait vaincus sur le champ de bataille 700 ans plus tôt' et que c'était pourquoi on l'appellait Victoria, qu'elle était aussi appellée la Reine parce que 'les bouches humaines n'étaient pas formées pour leur permettre de prononcer son véritable nom' ]
J'avoue que j'ai dû relire la nouvelle plus d'une fois car le côté fantastique m'échappait un peu, j'avais un peu du mal à saisir cet aspect du texte, mais je pense avoir mieux saisi, ça reste quand même assez étrange mais je crois que j'ai eu tendance à oublier que le texte avait son côté irrationnel et pas seulement que son aspect policier. D'ailleurs, ces notions de Great Old Ones que l'on trouve dans la nouvelle fait parti de l'univers de Lovecraft. Très vite aussi, on se rend compte des différences avec Une Etude en Rouge, je ne m'inquiète pas puisque j'ai pensé que l'auteur remaniait à sa façon. La famille royale est impliquée dans la nouvelle ? Très bien, pourquoi pas ? On croit encore suivre Holmes et Watson dans leur enquête mais le doute s'installe : le détective et le vétéran vont au théâtre et rencontrent un acteur nommé Sherry Vernet. Le prénom ressemble déjà assez à celui de Sherlock et pour ceux qui s'y connaissent suffisament bien dans le canon holmesien, Vernet est un français, aussi membre plus ou moins proche de la famille Holmes. Cet acteur, Vernet, est en compagnie d'un autre homme qui boîte et qui serait médecin comme le narrateur. Vernet est susceptible d'être le coupable de cette affaire et échappe Lestrade et ses hommes, lui-aussi étant remarquablement intelligent. Même avec tous ces indices, j'avoue n'avoir sû le fin mot de l'histoire qu'en lisant la lettre d'un certain Rache qui explique tout et qu'apparaisse le nom de John Watson, que le narrateur pense avoir croisé en Afghanistan...
Ca m'a bluffé ! L'évidence tombe, Vernet est Sherlock Holmes, sans aucun doute et son compagnon, le docteur Watson et ils seraient tous deux des anarchistes, des criminels. C'est le renversement de situation complet ! Et c'est une perspéctive intéressante : Holmes et Watson, des criminels et partenaires dans le crime. Cela m'a un peu rappellé la nouvelle de Charles Auguste Milverton où Holmes et Watson se font cambrioleurs le temps d'une nuit et où Holmes se dit que s'il n'avait pas choisi le métier de détective, il aurait sans doute fait un excellent criminel, en toute modestie. La question qui se pose est : qui sont le narrateur et son ami détective, dans ce cas ? C'est là que je me rappelle que le détective avait présenté son ami comme étant Monsieur Sebastian, mais j'ai cru que c'était un nom qu'il avait inventé comme il s'était présenté lui-même sous une autre identité car ils étaient face à Vernet. Puis les initiales du narrateur à la fin : Major S... M... qui pourraient tenir avec Sebastian Moran, le bras droit du professeur James Moriarty, némesis de Sherlock Holmes dans l'oeuvre de Conan Doyle. Cette nouvelle offre donc un renversement de situation : Holmes et Watson sont les criminels (Holmes étant surtout le cerveau et Watson exécutant les crimes, étant médecin il sait où frapper pour tuer ou blesser) et Moran et Moriarty, le détective intelligent et son fidèle compagnon.
Intéressante perspective qui m'a bluffé ! Belle initiative de l'auteur que j'approuve ! Bien que déconcertante quand même. J'aurais pû me rendre compte plus tôt des véritables identités des personnages, mais comme Watson, I saw but did not observe et je suis ensuite impressionnée par quelque chose qui n'est pas si compliqué que ça au final, comme Watson, impressionné par les déductions de Holmes et qui s'apperçoit que c'était pourtant si simple... Je ne suis pas très futée, mais il n'empêche que cette nouvelle était très bien, vraiment. je prends plaisir à la relire plusieurs fois. Dans un Londres inquiètant mais terriblement familier où un criminel s'en prend aux têtes couronnées, c'est un univers tellement singulier, parfois les mots me manquent. Mais les personnages sont très bien représentés et j'aime beaucoup ce renversement de situation qui s'est révélé aussi surprenant que séduisant.
Extrait :
'Vous êtes sûr de vouloir que je vous accompagne ?'
En réponse, mon ami me fixa sans ciller. 'J'ai le sentiment, dit-il, que nous sommes faits pour être ensemble. Que nous avons combattu pour la bonne cause côte à côte dans le passé ou dans le futur, je l'ignore. Je suis un homme rationnel, mais je connais la valeur d'un bon compagnon, et dès l'instant où mes yeux se sont posés sur vous, j'ai su que je pouvais me fier à vous comme à moi-même. Oui, je veux que vous m'accompagniez.'
Je rougis et balbutiai des mots sans suite. Pour la première fois depuis l'Afghanistan, il me semblait avoir ma place en ce monde.